Bonjour à toutes,
Aujourd'hui je vous retrouve dans mon article du samedi pour vous parler d'un thème très particulier et qui touche pourtant de nombreuses personnes : le harcèlement. J'ai beaucoup hésité avant de faire cet article, mais une blogueuse (
Ilmefautuntitre) m'a convaincue d'en parler, ne serait-ce que pour aider une potentielle victime qui tomberait sur mon article. Et puis, faute de temps pour en préparer un autre, je me suis dit que c'était le moment. Je précise qu'il s'agit de mon histoire personnelle, mais que c'est avant tout un message d'espoir. Car le harcèlement, on peut s'en sortir.
Tout d'abord, je tiens à m'excuser pour la longueur de l'article. Il ne sera pas traduit en anglais, faute de temps mais aussi parce-que je ne veux pas le relire plusieurs fois pour le traduire. C'est déjà assez douloureux de l'écrire en français... Les noms ont également été changés. Enfin, je vais très certainement "couper" des passages puisque pour tout vous dire je ne suis pas très à l'aise à l'idée de tout raconter ; il y a aussi des moments que ma mémoire a décidé d'oublier.
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En seconde, j'ai été mise à l'écart une bonne partie de l'année, mais on ne m'a pas "harcelée". J'étais simplement fragile car je me sentais très seule. En 1ère, je me suis retrouvée dans une classe où je ne connaissais presque personne à part une ancienne camarade de classe de 4ème. Elle (appelons-la Jeanne) avait tout sauf l'allure de "ces filles populaires" qui dans mon esprit constituaient les ennemis publics n°1 : rondouillarde, les cheveux noirs et pas entretenus, aucun maquillage, des lunettes. Dans ma tête, elle ne pouvait pas me faire du mal. Alors je me suis rapprochée d'elle, puisque je m'entendais bien avec elle au collège. Très vite, deux personnes (Laura et Mélanie) se sont jointes à notre "bande": toutes deux avaient cette allure de filles mal dans leur peau, d'outsiders. ça me rassurait, car j'avais l'impression qu'elles étaient plus "authentiques".
Nous avons traîné ensemble quelques temps, de septembre à mi novembre. Ma première impression à propos de Laura était tout sauf positive. Elle me mettait mal à l'aise, et sa meilleure amie (appelons-la Mina), en terminale à l'époque, avait une attitude vraiment bizarre avec moi : moqueries, messes basses, etc. Mais j'avais décidé de passer outre et j'ai donc passé mon temps avec ces 4 personnes (Jeanne, Laura, Mélanie et Mina, j'espère que ce n'est pas trop compliqué à comprendre...) Jusqu'à novembre ça s'est à peu près bien passé. Je me sentais un peu "à part", mais je n'ai jamais été très sociable alors j'ai supposé que ça venait de moi. Ces filles (en particulier Jeanne et Laura) me disaient régulièrement que des gens de notre classe faisaient des remarques sur moi... Des petites choses, des moqueries pas si graves que ça, mais qui, associées à mon manque de confiance en moi, ont fait que je n'avais plus confiance en personne. Alors, j'ai dit à Jeanne et Laura que je préférais ne pas savoir ce qui se disait de moi derrière mon dos. J'étais plus heureuse ignorante. Mais elles continuaient à me raconter ce qui se disait, d'une manière presque sadique mais en se déguisant derrière des raisons charitables.
Mi-novembre, tout a dérapé. J'ai été totalement mise à l'écart. Je leur ai demandé si j'avais fait quelque-chose de mal: je ne suis pas réputée pour mon tact, j'aurais pu les blesser d'une manière ou d'une autre. A la sortie d'une salle, elles m'ont encerclée : Jeanne, Laura, Mélanie, Mina et deux autres filles du lycée. "Ta tête passe pas", "c'est physique, t'as une sale gueule", "tu ferais mieux de te suicider", "crève", "on veut plus de toi ici"... J'ai tout eu. Je n'avais jamais rien dit, pourtant. Malgré ma forte personnalité, j'étais la discrète du groupe, la faute à mon manque de confiance en moi. Alors j'ai répliqué que puisqu'elles ne voulaient pas de moi, je ne m'imposerais plus. Je suis partie les yeux brouillés de larmes. J'ai cogné un mur pour me défouler, et un prof m'a conduit jusqu'à l'infirmière qui a appelé mes parents. Le lendemain, je suis retournée en cours la tête haute. Je me suis assise seule, j'ai zappé le repas du midi, je suis rentrée chez moi. J'avais envie de vomir, la vision brouillée, et surtout, je tremblais de tout mon corps. J'entendais leurs remarques blessantes, leurs moqueries parce-que j'étais toute seule. La semaine (et même l'année) a continué comme ça. Ma mère, mon père ou mon frère allaient parfois me chercher le midi pour que je mange avec eux. Je tremblais en permanence, ça ne s'arrêtait jamais. Gourmande, je ne mangeais presque plus (j'ai perdu 5 kg en quelques mois, chose qui ne m'était jamais arrivé). "Intello" de la classe, je séchais les cours. Je n'avais plus goût à rien, plus envie de vivre. Pas de pensées suicidaires mais plutôt un ennui, une lassitude de la vie, l'envie de ne plus rien affronter, de dormir toute la journée. Mes parents ont envisagé de porter plainte, je les ai convaincus de ne pas le faire.
Jeanne était ma partenaire de TPE (et oui ce fameux exposé que l'on se fait tous une joie de préparer en 1ère), je devais donc, chaque semaine, travailler avec elle malgré les événements, ce qui a rendu tout ça encore plus dur (surtout que je continuais, régulièrement, de recevoir des SMS agressifs voire insultants, pour enfoncer le clou). Mais mon frère et mes parents, qui ont toujours été un immense soutien pour moi, étaient au courant, tout comme la plupart de mes profs. Dans le même temps, j'ai découvert les chaînes Youtube de beauté. Je ne savais pas que ce monde existait, et ça m'a beaucoup aidée à supporter la pression : je me suis passionnée par le maquillage, je me suis acheté mon premier rouge à lèvres... Bref j'ai essayé de ne plus penser à ce qu'il m'arrivait au lycée.
De novembre à avril, la situation était sensiblement la même, sauf qu'entre temps, j'avais trouvé une autre fille de la classe avec qui m'asseoir,
A. Je ne lui adressais pas la parole ; j'étais bien trop mal pour ça. En mars, j'ai décidé de participer au
Be Fashion Talent (
ici). En avril, j'ai décidé d'ouvrir ma chaîne Youtube. J'ai fait 5 vidéos. Mais ma chaîne a été partagée par
Laura, Mélanie et
Jeanne et j'ai été à nouveau la cible de moqueries. Cette fois, une bonne partie de la classe s'y est mise. J'ai supprimé ma chaîne et suis rentrée chez moi, démoralisée. Un garçon de ma classe m'a appelée, il m'a beaucoup parlée et m'a convaincue de revenir (je lui dois beaucoup). Alors, encore une fois, je suis revenue la tête haute, j'ai suivi tous mes cours, j'ai ignoré les chuchotements sur mon passage.
Les SMS se sont stoppés quand j'ai fait intervenir le CPE. On m'a traitée de lâche, mais à partir du moment où il a convoqué les filles, ça a été fini. J'avais encore droit à des remarques, des moqueries... Mais c'était plus discret, j'arrivais plus facilement à les ignorer.
Entre temps, j'avais fait 2 voyages scolaires (en mars et avril), voyages durant lesquels j'ai rencontré une fille de l'autre classe (nous étions deux classes de L) qui est devenue l'une de mes meilleures amies aujourd'hui : C (alias ma b****!), qui se reconnaîtra en lisant l'article.
J'avais quelques camarades de ma classe de 2nde (celles qui m'avaient mises à l'écart) qui ont décidé de soutenir Jeanne, Laura et Mélanie à mon détriment. Je leur avais raconté tout ce qui m'était arrivé, en omettant certains détails (comme ma chaîne Youtube, car j'étais morte de honte). Mais elles ont choisi mes bourreaux. Elles m'ont laissée tomber au moment où j'avais le plus besoin d'elles, et je ne l'oublierai jamais. Finalement, avant ma rencontre avec C, je n'avais plus personne.
Je vais encore passer quelques mois, jusqu'aux épreuves anticipées du bac. Je m'étais jetée à corps perdu dans le travail pour oublier combien je souffrais. J'ai eu d'excellents résultats.
L'été m'a permis de faire un travail sur moi-même, de me détendre, de me préparer psychologiquement à affronter la nouvelle année. J'étais rassurée : j'avais fait une lettre (signée de mes profs) pour m'assurer que je ne serais pas dans la classe de Jeanne, Laura et Mélanie. Mais à la rentrée, surprise : j'y étais. Le proviseur avait tout bonnement décidé d'ignorer la lettre. Alors, j'ai séché les 2 premiers jours de cours. J'ai commencé à me renseigner sur les lycées privés. J'ai même songé à partir en internat dans un lycée d'une autre région. Puis, j'ai relativisé : j'étais capable d'affronter ça, mais surtout, ce qui m'était arrivé dans mon lycée public me serait arrivé dans n'importe quel lycée, car des enfoirés (n'ayons pas peur des mots) il y en a partout. Alors je suis retournée en cours. Je me suis assise à côté de A à qui je n'adressais presque pas la parole l'année d'avant. Mais l'été avait passé, j'avais mûri, et - je n'ai pas d'explication pour ça - nous avons réappris à nous connaître, et elle est devenue l'une de mes meilleures amies.
Grâce à A, l'année de terminale s'est bien passée. Mina n'étant plus au lycée, et Jeanne, Laura et Mélanie n'ayant plus l'emprise sur moi qu'elles avaient l'année d'avant, j'ai réussi à profiter de mon année, à m'amuser, à reprendre goût à la vie, tout simplement - même si tout n'était pas rose (certains camarades de classe continuaient de me provoquer).
J'ai eu mon bac avec mention TB, chose que je n'aurais jamais pariée. La roue tourne : Laura ne l'a pas eu. Punition divine? Aucune idée, mais le fait est que ça m'a fait beaucoup de bien de l'apprendre.
J'ai longuement pensé à ce qu'il m'était arrivé en 1ère et je suis arrivée à cette conclusion : des moqueries de la part de mes autres camarades de classe? Il n'y en a probablement pas eu. Tout ceci relevait d'une manipulation pure et simple de la part de Jeanne, Laura, Mélanie et Mina. En me faisant croire que j'étais la risée de la classe, elles ont détruit le peu de confiance en moi que j'avais. Quand elles m'ont ensuite laissée tomber, elles savaient que je n'irais vers personne. C'est donc une technique de harcèlement (outre les SMS, je veux dire) assez inattendue : elles ont utilisé ma propre paranoïa pour que je m'auto-détruise. Et tout ça motivé par une seule raison, du moins je le pense : la jalousie. ça peut paraître dérisoire en comparaison à d'autres cas de harcèlement, mais pour moi, cette année a été un véritable Enfer.
Maintenant, je suis à la fac. Je suis toujours très amie avec C et A. J'ai surmonté tout ça, même si cette histoire a encore des répercussions sur moi au quotidien : tremblements et montées d'adrénaline quand j'entends rire derrière moi, timidité exacerbée que je m'efforce de dissimuler le plus possible, voire montées d'angoisse dans certains cas... Mais les rencontres que j'ai fait entre temps, les mois qui ont passé et tout ce qui m'est arrivé, tout simplement, m'ont aidée à me relever.
Mais il y a une chose que je tiens à souligner : il ne faut pas oublier que si beaucoup de "harceleurs" du collège mûrissent et redeviennent des gens "fréquentables", la plupart de ceux que vous rencontrerez ou avez rencontré au lycée resteront ainsi. Ils ont dépassé le stade de la simple immaturité. Ils n'ont plus d'excuse, selon moi. Ce sont ces mêmes personnes qui vont harceler leurs collègues, leurs conjoints, etc. Pour moi, il n'y a pas de pardon qui tienne. Quand je pense à ces filles, je ressens une haine indicible. Je ne donnerais pas cher de leur peau si elles se trouvaient en face de moi, aujourd'hui. Elles m'ont volé un an de ma vie, un an durant lequel j'aurais pu être heureuse.
Le fait d'être soutenue par ma famille et par mes professeurs (qui, pour ces derniers, n'ont pas "agi" à proprement parler mais ont été là quand j'avais besoin de parler) m'a probablement sauvée de la noyade. Le harcèlement, on s'en remet, mais pas si on en parle pas !
Merci de m'avoir lue, et n'hésitez pas à partager votre histoire si vous avez connu un cas semblable (ou pas, d'ailleurs)...
A très bientôt,